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Éducation et Compétences Psychosociales : Entretien avec Calliste Scheibling-Sève, PhD, Directrice pédagogique et scientifique d’Energie Jeunes.

12/11/2024

Depuis sa création en 2009, l’association Energie Jeunes agit au service de la réussite scolaire de tous. Elle est reconnue d’Utilité Publique, agréée par le Ministère de l’Education nationale et agréée Jeunesse et Education. En collaboration avec les enseignants, elle offre aux écoliers et collégiens l’opportunité d’Aimer Apprendre. Son action bénéficie, chaque année, à plus de 120 000 jeunes, dans les territoires les moins favorisés, partout en France métropolitaine mais aussi en Outre-mer.

Les compétences psychosociales sont au cœur du travail fait par Energie Jeunes. Entretien avec Calliste Scheibling-Sève, PhD, Directrice pédagogique et scientifique d’Energie Jeunes.


Il s’agit d’un ensemble de compétences cognitives, émotionnelles et sociales qui ont pour objectif d’améliorer les relations à soi et aux autres. Les CPS jouent un rôle essentiel dans la réussite éducative des élèves et dans leur bien-être. Or, selon les études PISA de l’OCDE (2018, 2022), les élèves français présentent un déficit dans ces compétences par rapport aux autres élèves de l’OCDE, en particulier en ce qui concerne la représentation de leurs capacités (état d’esprit de développement), leur sentiment de compétence et leur capacité à coopérer.

Grâce à son programme Aimer Apprendre, Energie Jeunes intervient dans les classes, du CM1 à la 2nd pro, pour permettre aux élèves de pouvoir développer plusieurs compétences psychosociales, comme par exemple :

  • Etat d’esprit de développement

Moins de la moitié des élèves français pensent que leur intelligence peut se développer. Leur représentation de l’intelligence est l’une des plus fixistes parmi les pays de l’OCDE. Or de nombreuses recherches montrent que les élèves avec une vision malléable et non fixiste de l’intelligence ont de meilleurs résultats scolaires. Des interventions ont été testées et montrent qu’il est possible de modifier la vision de l’intelligence et ainsi la façon dont un individu réagit face aux difficultés : en faisant prendre conscience aux individus que l’intelligence n’est pas fixe mais peut se développer tout au long de sa vie, la difficulté face à un nouvel apprentissage n’est plus interprétée par ceux-ci comme le signe d’un manque de capacités, mais comme le signal qu’il faut intensifier ses efforts. Les élèves reprennent ainsi confiance en eux.

  • Sentiment d’appartenance

Ce sentiment mesure l’attachement ressenti à l’égard d’une communauté, ici l’école. Ce besoin d’attachement social fait partie des conditions nécessaires de la motivation humaine. Mais les élèves peuvent prendre conscience de stéréotypes négatifs ou de la sous-représentation, en particulier au moment des années de transition, comme la 6 e ou la 2de. Ils peuvent alors se demander s’ils seront capables de s’intégrer dans le milieu scolaire. Par exemple, si un élève se dit « Je rencontre des difficultés en 6e », il peut alors se demander « Est-ce que le collège est fait pour moi ? Est-ce que j’y ai ma place ? », ou même « Est-ce que les gens comme moi y ont leur place ? ». Des recherches en psychologie sociale ont démontré l’impact de sessions en classe efficaces pour renforcer le sentiment d’appartenance, et ainsi prévenir le risque de décrochage et accroître les résultats solaires des élèves.

  • Coopération

Les élèves français ont les plus faibles compétences en coopération parmi les élèves de l’OCDE. Pourtant, coopérer, savoir échanger de façon non conflictuelle et non concurrentielle et en collaborant pour arriver à un objectif commun, est une compétence sociale essentielle. La coopération augmente l’estime de soi, l’optimisme, la maturité émotionnelle, la capacité de faire face à l’adversité et favorise des relations sociales plus apaisées.

  • Empathie

L’empathie rend capable de partager et de ressentir les émotions d’autrui. L’émotion est ressentie en réaction à celle exprimée par autrui. L’individu empathique « se met à la place de l’autre », tout en étant en capacité de contrôler ses propres émotions. Elle conditionne le climat scolaire.

  • Sentiment d’efficacité personnelle

Cette compétence correspond au sentiment d’être capable de réaliser des tâches. Cette compétence peut être spécifique, sentiment d’être capable de réussir en physique, par exemple, ou générale et se confond alors avec la confiance en soi. Plus le sentiment d’efficacité personnelle d’une personne est élevé, plus elle est engagée et motivée dans une tâche.

Les programmes sont construits à partir de protocoles issus des recherches en sciences cognitives. Nous nous appuyons sur des interventions ciblées qui peuvent modifier, en moins d’une heure, certaines théories implicites qu’ont les élèves.

Au cours des séances, les élèves échangent entre eux. Ils ne sont ainsi pas aidés par les adultes mais s’aident eux-mêmes en partageant leurs expériences. Tout cela favorise un esprit collectif positif et permet de mettre en confiance les élèves en difficulté scolaire. Nous reconnaissons ainsi à chacun une « compétence d’élève », puisqu’ils sont d’emblée considérés comme capables d’aider les autres. Pour favoriser cette participation, nous nous appuyons sur des mini-structures coopératives afin de faciliter la participation entre tous. Ces structures permettent aux élèves les plus timides de participer et ainsi de dépasser les facteurs qui influent sur la prise de parole comme la personnalité, le niveau scolaire, le genre, le niveau socio-économique.

Les élèves ne doivent pas seulement aider les autres élèves de la classe, mais aussi des élèves plus jeunes. Régulièrement, il leur est proposé un exercice de « saying is believing » : les élèves doivent alors écrire, sous la forme d’une lettre à un élève plus jeune, un message personnel suite à l’intervention reçue. De cette manière, ils se réapproprient le message transmis au cours de l’intervention ; relient des idées abstraites à leur propre expérience, augmentant leur pertinence ; défendent ces idées auprès des autres, augmentant leur adhésion  et se perçoivent comme aidant les autres, plutôt que recevant de l’aide, adoptant ainsi un rôle valorisant.

Enfin, nous proposons des jeux afin de renforcer l’engagement des élèves, de rythmer les séances mais aussi d’accroître la cohésion. Pour la plupart des jeux proposés, l’objectif est de faire gagner la classe entière et non un élève ou une équipe. Les jeux sont alors suivis d’une séquence d’explicitation par les élèves eux-mêmes afin qu’ils parviennent à dégager les enseignements du jeu et puissent les transférer à d’autres situations.

Quel parcours vous a amené à rejoindre Energie Jeunes ?

Diplômée d’HEC Paris, je me suis ensuite tournée vers les sciences cognitives (ENS Ulm). Ma thèse en psychologie cognitive se situait à l’intersection entre recherche fondamentale et appliquée et portait sur le développement de l’esprit critique à l’école primaire.

J’ai ensuite continué de mener des projets de recherche faisant le pont entre la recherche et la salle de classe au sein de l’Université de Genève.


Depuis 2021, je fais aussi partie d’un groupe de travail du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale et travaille sur des questions de pédagogie.

C’est donc avec cette volonté de continuer à participer au transfert de la recherche à l’école tout en ayant un impact à grande échelle que j’ai rejoint Énergie Jeunes en créant son laboratoire R&D.

>>> Comité enseignants Energie Jeunes, Les compétences psychosociales au cœur des travaux

>>> Comité des chefs d’établissement Energie Jeunes : Un an de fonctionnement et cinq thèmes de travaux pour 2024-2025

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