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Interview de Léa Combette : « Apprendre à encourager les efforts plutôt que féliciter l’intelligence ! »

15/04/2020

« Apprendre à encourager les efforts plutôt que féliciter l’intelligence ! ». C’est le conseil de Léa Combette, doctorante en neurosciences cognitives à l’Institut du Cerveau à Paris et chargée de mission scientifique chez Énergie Jeunes. Aujourd’hui, elle répond à nos questions.

Bonjour Léa Combette, vous êtes spécialisée en sciences cognitives, et préparez une thèse sur les « mindset » ou représentations de l’intelligence. De quoi s’agit-il ?

Nous avons tous des intuitions sur comment fonctionne notre cerveau et notre cognition. Concernant l’intelligence, on oppose généralement deux croyances :

Certaines personnes ont ce que l’on appelle une représentation fixe de l’intelligence. Pour elles, l’intelligence est une caractéristique intrinsèque des personnes. Il y aurait donc des personnes intelligentes et d’autres qui le sont moins.

D’autres personnes, au contraire, ont ce que l’on appelle une représentation malléable de l’intelligence. Pour elles, l’intelligence est quelque chose qui se développe avec les efforts. Il ne s’agit donc pas d’une caractéristique fixe mais de quelque chose sur lequel on peut agir.

 

Pourquoi est-ce important pour la réussite scolaire des collégiens ?  

Ces représentations de l’intelligence ont été découvertes dans les années 80 par une chercheuse américaine, Carol Dweck, qui se demandait pourquoi deux élèves de niveau scolaire comparable peuvent réagir de manière totalement opposée à une situation d’échec. Elle s’est alors rendue compte que certains élèves se représentent l’intelligence comme fixe. Ils considèrent donc les erreurs comme un manque d’intelligence de leur part et évitent les situations de défi pour ne pas se retrouver en échec à nouveau. Alors qu’au contraire, d’autres élèves qui ont une représentation malléable de l’intelligence voient plus les erreurs comme un indice de là où ils peuvent s’améliorer. Ils acceptent la difficulté et les erreurs comme faisant partie du processus d’apprentissage.

Depuis, de nombreux travaux de recherche se sont intéressés à l’impact de ces représentations mentales de l’intelligence. Notamment, il a été montré qu’une représentation malléable de l’intelligence est plus favorable au bien être et aux résultats scolaires des élèves.

 

Peut-on changer ces représentations mentales ?

Nos représentations mentales sont influencées très tôt par les attitudes de nos parents, de nos professeurs et même de nos camarades. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’elles ne sont pas pour autant gravées dans le marbre. Tout un pan de la littérature scientifique montre que des interventions courtes et ciblées sur l’intelligence peuvent influencer nos représentations. Généralement, ces interventions mettent l’accent sur la capacité du cerveau à se modifier grâce aux efforts : la plasticité cérébrale. Et bien qu’elles puissent durer seulement quelques heures, ces interventions auraient des effets significatifs à long terme grâce à ce que l’on appelle « l’effet boule de neige ». Cet effet décrit le cercle vertueux dans lequel se trouve un élève après une intervention. Un élève qui apprend des choses sur la plasticité cérébrale peut essayer de travailler un peu plus pour voir si cela est vrai chez lui. Ce changement de comportement va certainement entraîner des conséquences nouvelles : il retient mieux ses cours, a de meilleures notes, etc. Ce qui va renforcer ces nouveaux comportements.

Un bon exemple est le programme « Ma Réussite au Collège » déployé par Énergie Jeunes dans les zones d’éducation prioritaires ! Grâce à des vidéos, des jeux et des moments de réflexion, le programme arrive à créer des déclics chez les élèves et les amène à modifier leurs représentations de l’intelligence. Les élèves entrent dans un cercle vertueux : ils prennent conscience qu’il est possible de réussir même si l’on vient d’un milieu défavorisé, que faire des erreurs peut les aider à développer leur intelligence et commencent à modifier leurs attitudes scolaires. Une large d’étude d’impact conduite par le laboratoire J-PAL pendant 5 ans a mis en évidence ce phénomène en montrant que les programmes de l’association arrivent de manière significative à lutter contre le fatalisme social et à augmenter les résultats scolaires des élèves.  

Comment influencer positivement ces représentations au quotidien ?

Apprendre à encourager les efforts plutôt que féliciter l’intelligence !

On entend souvent des parents clamer que leur enfant est « intelligent car il a eu une bonne note ». Si cela peut sembler flatteur pour l’enfant, il se retrouve dans une situation où son intelligence peut être remise en cause au prochain examen. Cela n’incite pas du tout à vouloir apprendre de nouvelles choses mais plutôt à rester dans sa zone de confort pour être sûr de ne pas être considéré comme « moins intelligent » en cas d’échec. De manière générale, il faut essayer d’encourager le fait d’apprendre de nouvelles choses plutôt que d’avoir une bonne note : favoriser une appétence pour l’apprentissage plutôt que pour la performance.

Merci Léa Combette.

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